Le travail de ce photographe confronte l’idéal et le réel. L’urbanisme moderne est la trace de la volonté de l’homme qui souhaite modeler son environnement. Cette idée concrétisée par la construction se trouve alors démentie par la réalité. D’où l’impression d’incongruité que dégagent ces bâtisses surgies au milieu de nulle part. La réalité érigée par l’homme devient étrange. Comme dans la série présentée, Barra, les images des condominios, nouvelles villes privées de luxe de Rio de Janeiro, ne parviennent pas à représenter le réel de manière immédiate. Le spectateur le perçoit à travers le prisme d’écrans, transformant la vie vantée par la publicité du projet immobilier en images de caméras de surveillance.
Le photographe suggère que la réalité de ces quartiers idéalisés, symboles de la modernité, réside entre ces deux représentations, entre celle conçue et celle vécue. Il nous pousse alors à nous interroger sur la valeur de l’image, mais aussi sur celle de la réalité construite. Par la photographie numérique, il met en relief le déficit d’expérience impliqué par un encodage de nombres binaires. Ainsi, l’indice de réel par l’image numérique est contestable. L’effet d’étrangeté est inhérent à sa nature. Quelle est alors la place du photographe dans cette construction visuelle ? Ici, pas d’instant décisif. Sa démarche n’est pas de glaner la photogénie, mais de fabriquer ses images, avant et après la prise de vue. Mettre en relief le réel nécessite le recul du temps. L’image est pensée en amont et sa conception se trouve confrontée à la réalité du terrain. Car la prise de vue est toujours un vécu qui met à l’épreuve l’idée de l’artiste : la photographie est avant tout une envie et une expérience.
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